Après l’étape terrifiante et éprouvante de la HRP, nous ne pouvons qu’être rassurés par ce qui nous attend sur la côte méditerranéenne. Déjà, le vélo c’est plus facile que la marche, en plus ça monte pas beaucoup, et on sera à côté de la mer donc on pourra se baigner tout le temps, le rêve. 

Départ de Banyuls un chouilla compliqué, on prend trois fois le petit déjeuner, on a du mal à se motiver, Flo passe voir un copain moniteur de voile pour retarder encore un peu le départ. « Vous savez que y a la Tramontane qui souffle terrible pendant trois jours là ? »

Un peu de vent, ça n’a jamais tué personne.

Les palmiers sont penchés, les parasols s’envolent, les mouettes peinent à avancer, on se traîne péniblement à une allure de 12km/h sur du plat. Peut-être qu’encore une fois, nous avons sous-estimé l’étape. Il serait temps d’apprendre de ses erreurs.

Le midi, nous rencontrons un gentil monsieur qui nous pose des questions sur nos vélos si originaux, puis se permet de nous rire au nez quand on lui dit qu’on fait 80km par jour et qu’on ne connaît pas le modèle de son dérailleur. Cette agréable rencontre nous fait chaud au cœur et nous redonne de la motivation, nous voilà repartis sur les chapeaux de roue

A part ça, les journées se ressemblent, on se réveille, on boit quatre cafés chacun, on n’avance pas, on pique-nique le midi mais ça régale pas trop les sandwichs sont secs et les tomates farineuses, on n’avance encore pas, on nettoie le cambouis sur nos jambes et on déplore les tâches graisseuses sur nos habits qu’on ne nettoiera pas, on dort et on recommence. 

Dure vie (pas du tout). 

Figurez vous que l’itinéraire cyclable que nous suivons passe par Manosque, où nous avons rendez-vous avec un intervenant le 5 juillet, mais nous arrivons à Montpellier le 4. Niveau timing, c’est pas top donc on se farcit un petit aller-retour en train, qui finalement nous régale puisqu’il nous sort de notre spirale Sisyphesque (oui nous sommes des drama queens et non ce mot n’existe pas).

Petit tour de TER pour le binôme, c’est fou comme ça va vite.

On dort à Manosque, où le camping nous fait une réduc parce que la route à côté est plus passante que d’habitude, c’est bon pour le budget. Le lendemain matin, rdv avec Nicolas Luigi, le boss de la forêt, Zoé est très stressée c’est le premier matin depuis le début du voyage où elle se lève avant Flo, n’hésitons pas à la féliciter.

Nicolas est gestionnaire de plusieurs forêts et son objectif sur chacune des parcelles est d’augmenter la diversité de sa forêt en âges et en espèces. 

Permettez-nous une analogie douteuse. Demain vous faites un goûter pour vos collègues. Vous cuisinez quatre cakes, tous aux lardons, après tout, tout le monde aime les lardons.

Malheureusement, on est vendredi, vous n’êtes que cinq au bureau, Jean ne digère pas le porc, Clémence préfère les cakes olives-lardons, pas juste lardons tu comprends c’est pas assez salé, Louise et Sandro sont végétariens et vous, malgré tout votre courage, peinez à terminer ne serait-ce qu’une moitié d’un cake (félicitations). Louise vous dit que vous auriez dû faire plusieurs types de cakes, peut-être qu’elle aurait volontiers mangé celui aux tomates séchées. Vous vous retenez fort de l’étrangler, mais nous nous éloignons du sujet.

Le changement climatique amplifie les aléas météo et leur fréquence : la sécheresse survient plus souvent et elle est plus sèche (les feux de forêt sont plus violents, les inondations plus prononcées…). Ces aléas affaiblissent chroniquement les arbres et ils sont moins capables de lutter contre de nouveaux épisodes ou de nouveaux dangers (maladies, parasites). Fort heureusement, certaines essences d’arbres subissent mieux la sécheresse, d’autres survivent en sol marécageux, certaines sont robustes aux espèces invasives etc…

Donc, si au lieu d’avoir uniquement des pins maritimes qui vivent bien avec la sécheresse mais mal avec les scolytes, vous aviez un joyeux mélange, vous aurez statistiquement plus de chances que certains arbres s’en sortent face à un aléa précis, et donc que votre forêt aussi. En plus de cette résilience, la diversité amène aussi un rétablissement plus rapide. En effet, comme chaque morceau de la forêt contient des gros arbres semenciers ou d’intérêt biologiques, des plus jeunes, du bois mort, etc, si un morceau de forêt brûle, on pourra retrouver sensiblement les mêmes compositions dans le reste de la forêt. Elle pourra donc se régénérer naturellement, on pourra continuer à exploiter les gros (et plus vieux) bois de qualité sur le reste de la parcelle, et ainsi de suite. 

De même qu’en cuisinant une variété de cakes, vous augmentez vos chances qu’ils soient tous mangés, en diversifiant votre forêt, vous augmentez ses chances de survie et de rétablissement.

Après cette petite escapade en forêt, nous faisons un petit crochet par Aix-en-Provence pour aller récupérer un copain qui vient pédaler avec nous pour deux jours. Avec lui, nous devons retourner à Montpellier et pédaler direction Manosque (c’est un peu déprimant oui). 

Malins comme des lapins, nous mettons le copain devant et minimisons notre effort (merci Ziz tu nous amenés à la victoire). On rigole bien tous les trois pendant ce court weekend, c’est génial. 

Malheureusement, il nous quitte et la nostalgie de le voir partir (la flemme oui) nous empêche de redémarrer. Nous faisons donc un premier jour de pause et ce ne sera pas le dernier. Zoé en profite pour avoir des petits soucis digestifs, certains pensent qu’avoir bu l’eau de la Durance était une idée idiote, mais ce sont des mauvaises langues.

Nous pédalons une journée et sommes de nouveau à Manosque, mais cette fois-ci à la force de nos gambettes. Les puristes ne pourront pas dire que nous avons triché.

Nous avons un nouveau rendez-vous avec Amélie Lelièvre, qui travaille au Parc Naturel Régional du Verdon. Elle nous présente le projet de renaturation du Colostre, affluent du Verdon. Dans le passé, le Colostre a été rectifié par souci d’approvisionnement en eau pour l’irrigation et par méconnaissance du milieu. Son aspect très peu sinueux a conduit à un enfoncement du lit de la rivière et une dégradation du milieu

L’objectif de sa renaturation est de restaurer ses méandres en adoucissant la pente des berges, en réhaussant le lit et en renaturant les berges. De cette manière, la morphologie de la rivière peut-être amenée à fluctuer davantage en fonction des crues et les méandres peuvent être restaurés naturellement.

L’importance des méandres est liée à plusieurs facteurs :

  • en cas de grosses crues, ils ralentissent le débit de l’eau puisque le chemin qu’elle parcourt est plus long
  • l’eau déborde alors à plusieurs endroits en amont, au niveau des méandres, au lieu de se déverser à l’aval de la rivière et d’inonder les villes
  • l’eau peut davantage s’infiltrer, sa qualité en est augmentée et la biodiversité peut en bénéficier

Après cette jolie rencontre, nous nous dirigeons vers Esparron-de-Verdon, qui n’est absolument pas sur notre tracé initial, mais ça y est, nous lâchons prise. Plutôt que de retourner directement sur la côte méditerranéenne au milieu du mois de juillet, nous préférons rester dans le Verdon, moins peuplé de touristes (et encore). 

Arrivés dans ce petit coin de paradis, nous y restons de nouveau en pause pendant 3 jours, un mélange d’émerveillement, de flemme et de digestion toujours pas revenue en ordre. Flo mange exclusivement des pizzas et Zoé du riz blanc. 

On vous met juste ici une photo de la piscine du camping, autant vous dire que nous étions les rois du monde. Nos activités principales sont la baignade et la sieste, la vie est dure.

Le redémarrage est donc plutôt difficile, un mélange de seum et de dénivelé élevé.

Nous choisissons intelligemment de passer par le lac de Saint-Cassien, qui est traversé par la route sur laquelle nous passons, ça va être magnifique. Le paysage est effectivement sublime, et nous ne sommes pas les seuls à l’avoir remarqué. La départementale est bouchonnée, nous roulons sur une petite bande de bitume en nous faisant doubler par des voitures pressées de se baigner et énervées de notre présence, c’est l’inverse d’une partie de plaisir. Pour ressortir de cette zone dangereuse, nous devons grimper une très grande côte, la plus raide depuis le début de notre itinéraire à vélo, mais c’est la dernière de la journée. Heureusement, nous sommes motivés.

La descente sur une petite route encerlcée de villages ensoleillés est particulièrement plaisante, on voit la mer depuis en haut. Petit imprévu, Zoé a mal lu le topo, il reste en fait une grande côte, quand y en a plus, y en a encore, comme on dit.

De retour sur la côte méditerranéenne, nous croisons des copains qui vont en Asie sans avion (extraordinaire oui). On chill longuement avec eux à l’ombre, c’est très sympathique. On discute documentaire, organisation et anecdotes. On est tellement bien qu’on en oublie un peu de checker le train qu’on doit prendre le lendemain matin à Menton, la fin de la Méditerranée à Vélo. Fort heureusement, il reste encore des places libres dans l’espace vélo.

Non.

Le plan tombe à l’eau, on ne peut donc pas aller à Menton, il faut s’arrêter à Nice. Il n’y a pas de camping dispo à Nice, les hôtels sont évidemment hors de prix, panique à bord.

Tels des chats, nous retombons aisément sur nos pattes, il y a un train à 19h25 pour Aix, où on suppose que des copains peuvent nous héberger. Il est 17h30, nous avons 1h30 de vélo pour Nice, ça le fait mais il faut partir en catastrophe. Nous nous mettons en mode course, la fatigue n’existe plus et nous slalomons entre les touristes pour arriver à notre objectif

5km après le départ, le pneu de Flo crève, première fois dans le voyage, ça ne pouvait pas plus mal tomber. Tant pis pour le train. 

Le binôme ne perd pas espoir pour autant, Flo change sa chambre à air en un temps record, merci le démonte-pneu en plastique jaune. Le GPS nous annonce que nous arrivons à la gare à 19h25 pour un train à 19h25. La chance nous sourit, à 18h30, c’est l’heure où les gens repassent prendre la douche et mettre de la Biafine avant d’aller au restaurant, la voie est libre et nous reprenons notre rythme effréné. Nous arrivons pile à temps et sautons dans le train (plutôt, nous traînons péniblement nos vélos chargés dans le train, mais peu importe). 

C’est gagné.