Actuellement en train de nous ennuyer dans le train, nous nous occupons donc avec la rédaction de ce petit article qui vous contera plus en détail notre HRP (Haute Route Pyrénéenne).

Cet itinéraire de 700km et 44000m de dénivelé positif nous paraissant très ambitieux, surtout que l’enneigement de cette année correspond à peu près à celui d’il y a 15 ans, on décide de ne pas programmer d’interview avec des acteurs de l’adaptation. Zoé cette grande pince propose de ne pas acheter de crampons parce que ça coûte cher, Flo lui force un peu la main dieu merci.

Avec nos petits crampons et nos (trop) petites chaussures, on commence la HRP. Tout se passe à merveille, on grimpe la Rhune sans aucun problème, il fait beau.

Le lendemain, la malléole de Zoé gonfle, le haut de la cheville de Flo tire (conséquence desdites trop petites chaussures), et l’étape prévue est de 30km. Un petit orage plus tard, nous arrivons à Elizondo trempés, pas beaux à voir ni à renifler et nous nous promettons de ne jamais refaire une étape de cette taille.

Ça fait déjà 2 jours que nous randonnons plus que 38 lol ça passe très vite pas du tout (*la durée totale de la HRP est prévue à 40 jours).

Nous n’allons pas vous raconter l’entièreté de toutes nos étapes puisque ce serait beaucoup trop pénible pour vous, passons donc en revue quelques événements marquants des jours prochains. Zoé se plante une sardine de tente dans le pied, Flo fait une intoxication alimentaire au gras de canard, il fait toujours beau (important à souligner car apparemment il pleut toujours dans la pays basque), les chaussures font mal aux pieds mais ça va, les bivouacs sont phénoménaux et nous mangeons de la semoule.

C’est top.

À noter que jusqu’à la fin du pays basque, Zoé continuera de remettre en question l’achat des crampons. Après un joli bivouac aux lacs d’Ayous (askip c’est le paradis du bivouac il y a une super vue sur le pic du midi d’Ossau gna gna gna en tout cas avec la brumasse y a ni la vue ni la chaleur je vous le dis), nous entamons la journée qui fera en sorte que Zoé éprouvera plus d’amour pour ses crampons que pour ses parents (oui nous exagérons ses parents sont extraordinaires mais bon les crampons aussi).

Nous décidons de nous lever très tôt puisqu’il y a beaucoup de neige au col que nous sommes censés passer (Arremoulit) et que les crampons, c’est mieux dans la neige dure. On monte et c’est phénoménal, un des plus beaux paysages qu’on ait vus, on croirait être en hiver, il n’y a aucune trace dans la neige blanche, on pourrait être sur une autre planète. Avec cette dose d’émotion face à un paysage si rare vient la terreur pour Zoé puisque pas de traces = mais par où on passe putain en plus c’est super raide et en vrai je sais pas trop utiliser des crampons.

Bon, si nous écrivons ce texte c’est que nous avons réussi à nous extirper de cette situation délicate.

 

Les prochains jours sont un enchaînement de cols très enneigés (mais moins raides), de pieds mouillés, de journées longues mais magnifiques, de belles rencontres (on nous a offert une crêpe fromage jambon, on est devenus copains avec Flo(rence) ihihhi! et on a discuté HRP avec Tim et Camille les boss des Pyrénées wow).

On passe ensuite par le cirque de Barroude, si vous avez l’occaz on recommande on ne peut plus fortement, les images parlent d’elles-mêmes.

Le jour d’après Barroude, nous avons une très grosse journée, environ 30km, comme vous pouvez le voir, nous sommes clairement revenus en arrière sur nos résolutions du deuxième jour. Un orage est annoncé vers 15h mais le ciel n’est pas très menaçant, Zoé a peur, Flo pas du tout. Après quelques petites réflexions sur le fait que le binôme est trop lent à son goût, Flo emploie une nouvelle stratégie. Il explique être stressé à l’idée de prendre l’orage au col, ce qui fait instantanément pousser des ailes à Zoé. Avec une allure qui transforme le binôme en deux buffles à l’agonie, nous arrivons à la cabane qui nous sauvera de l’orage qui éclate à 21h et qui est ÉNORME. Était-il nécessaire d’aller aussi vite non.

Ce gros orage très beau mais très effrayant nous refroidit un peu sur la journée d’après, où nous sommes censés passer à deux cols à 2800m. Les nuages noirs au-dessus de ces cols nous font donc bifurquer et retomber en Espagne par un petit col que nous skions avec aisance (ça dépend pour qui).

Nous prenons ensuite deux jours de pause, nous sommes à la moitié de la HRP, il nous reste la moitié et on décide d’attendre le beau temps pour grimper l’Aneto. Trop classe de traverser les Pyrénées en passant par le plus haut des sommets wow quelle bonne idée. Histoire de mettre toutes les chances de notre côté pour réussir, nous prévoyons de le gravir en deux étapes : une première où on dort à 2700m lever à 4h du matin et la deuxième on envoie le pic.

Nous respectons ce programme avec quelques imprévus en rab puisque le premier jour nous prenons un petit orage à 10h du matin et nous dormons dans la neige (enfin certains dorment, d’autres passent la nuit à penser qu’ils vont mourir de froid) mais nous nous levons bien à 4h du matin. La grande ascension commence, Flo se fait une frayeur en traçant le chemin car il entend une plaque grincer sous ses pieds (il se garde intelligemment de le dire à Zoé qui a déjà tellement peur qu’elle décide qu’elle n’ira pas au sommet finalement en vrai ça sert à rien la vue est belle d’en bas je ne serai jamais alpiniste et je ne sais même pas comment je vais redescendre à l’aide). Finalement, le binôme s’offre au moins 20 minutes tout seul au sommet, quelle chance inouïe, la vue en valait bien la peine, on voit le chemin parcouru et celui qu’il reste à parcourir.

  

,La redescente est très pénible, on s’enfonce dans la neige jusqu’aux genoux, on n’avance plus et on a trop faim car on a sauté le petit dej pour aller plus vite à l’Aneto. On passe ensuite par le cirque des Tempestades qui nous émeut à peu prêt autant qu’Arremoulit. La neige est vierge, la crête acérée, les pans de neige décrochés c’est très impressionnant. On gravit ensuite le col le plus raide depuis le début, il faut vraiment pas tomber, et on redescend de l’autre côté. Flo fait du ski, Zoe de la luge, il ne reste plus que 7km dans la vallée de Salenques, c’est comme si la journée était déjà finie. Nous célébrons notre victoire un peu trop tôt, et mettons environ 5h à parcourir ces 7km de pierriers infâmes et de chemins sur lesquels nous nous perdons (en revanche la vallée est la plus belle que nous ayons vue sur toute la HRP si vous avez du temps n’hésitez pas à y passer). Nous arrivons tard et dans un sale état heureusement que demain est une journée chill (non).

Nous passons les jours suivants dans le parc d’Aigues-Tortes, plutôt touristique, et rencontrons pas mal de personnes. Nous voyons une quantité monstrueuse de lacs et de pins, nous nous rinçons l’oeil. Nous traversons ce parc trop rapidement, et avec la fatigue de l’Aneto, nous craquons c’est trop dur et nous décidons de couper une étape en passant par la route pour limiter le dénivelé parcouru. Grâce à des tatanes achetées précédemment lors d’une pause, nous ne ressemblons plus à rien mais nous pouvons avancer très vite et sans avoir mal aux pieds. Nous arrivons au refuge d’Alos à 22h après nous être arrêtés prendre l’apéro 2km avant la fin (malin).

Nous prévoyons de nous reposer le matin et restons tranquille au refuge gardé par Aniol (Añol ? désolés d’écorcher ce prénom que nous n’avons qu’entendu mais jamais vu écrit). Deux personnes arrivent, ce sont les premiers HRPistes que nous croisons qui viennent de Banyuls, nous les convainquons de s’arrêter au refuge avec nous, finalement la pause de la matinée devient une pause sur la journée entière. Nous faisons la fête avec Aniol, nous nous baignons dans la rivière, nous mangeons de la paella, nous sommes au paradis.

Le départ est donc très dur le lendemain matin, plus mentalement que physiquement, surtout que la journée prévue comporte 2600m de dénivelé positif et qu’on nous a recommandé de couper l’étape en 2. Nous ne le faisons pas, nous voyons des paysages extrêmement variés et avons très mal aux jambes.

Petite journée pour aller jusqu’à Auzat on est morts mais on avance et on arrive dans la vallée de l’Artigue, où on a découvert la montagne. On est beaucoup trop contents, en plus la vallée est tellement belle, on se baigne encore dans la rivière. Le camping nous régale et on se douche.

Un imprévu fortuit fait que nous avons un rendez vous pour interviewer une personne qui travaille dans la réserve naturelle du Saint-Barthélémy. On prévoit de se rencontrer à Montségur dans la vallée juste à côté de celle d’Auzat. Pas folle la guêpe, nous y allons bien évidemment en stop plutôt qu’à pied on va pas se rajouter des bornes quand même.

À Montségur, on discute avec Lou Dumaine, qui nous parle d’adaptation en milieu montagnard et forestier avec la gestion de tourbières. Pour ceux qui ne connaissent pas, la tourbière est un type de zone humide constitué de tourbe qui a des propriétés d’absorption d’eau et de carbone impressionnantes. En gros, elles peuvent jouer un rôle d’éponges où elles retiennent l’eau quand il y en a « trop » et la relâchent après l’avoir filtrée quand il y en a moins. Côté carbone, elles permettent d’en stocker une énorme quantité, mais le libèrent si elles sont en trop mauvais état, d’où l’importance de les préserver.

Lou est fascinante et nous parle de l’importance de l’auto-évaluation dans le cadre de l’adaptation au changement climatique. Tout change tellement rapidement que, pour être sûr de ne pas prendre des mauvaises décisions en gestion, il faut absolument avoir des protocoles d’auto-évaluation avec différents indicateurs. Historiquement, les évaluations pouvaient être faites en utilisant des indicateurs biologiques (par ex, tel pigeon habite telle zone, donc on est bien. Si on constate que le nombre de pigeons diminue, c’est qu’on a un problème. En photo, un sacré pigeon, ou vautour percnoptère pour les plus tatillons). Aujourd’hui, les indicateurs ont été revus et au lieu de se baser uniquement sur l’observation de quelques espèces, on regarde également la quantité d’eau, la qualité du sol, toujours les espèces aussi c’est quand même important et une multitude de différentes informations. Aussi, les réserves travaillent ensemble pour être sûrs d’avoir un modèle d’évaluation uniforme. Je dis n’importe quoi mais si Lou compte les pigeons en essayant de ne pas compter deux fois le même pigeon alors que Louis compte tous les pigeons qu’il voit sans distinction, les résultats seront biaisés.

Bref, on discute de beaucoup de choses, de la collaboration entre les réserves et les habitants, les touristes, les exploitants et c’est très chouette de comprendre les enjeux de chacun.

De retour à Auzat après une pause pour faire procuration (très important), nous nous remettons en chemin. Journée dispute pour notre binôme car Flo va trop vite pour Zoé et que la jalousie mal placée de cette dernière l’empêche de profiter mais bon en même temps pourquoi est ce que Flo n’attends pas. Bref, personne n’a raison mais tout le monde est énervé bonne ambiance. On s’arrête à un refuge pour manger et le gardien nous indique un col extrêmement raide en prétendant qu’il sera plus simple que celui par lequel nous avons prévu de passer. Zoé ne le croit pas une seconde mais nous y allons quand même. La montée est raide, nous passons par un pierrier qui se glisse dessus autant que vous dans votre salle de bain quand votre coloc n’a pas épongé l’eau qu’il (ou elle) a mise partout. En revanche, le gardien a raison, la descente est très chill et on fini par dormir dans un refuge gardé ouvert mais qui conserve une partie non gardee gratuite (trop bizarre mais vrai c’est comme être à l’hôtel sans payer). On se gave.

Petit stop à 11h à Bolquère où on mange environ 5 viennoiseries chacun. Une heure après, on s’arrête à Eyne et on mange au resto tout va bien c’est la fin de la journée à 12h y en a qui se font pas chier. Flo décide d’aller discuter avec la maison de la réserve naturelle de la vallée et nous dégote un second interview dans les Pyrénées.

Avec Pep (de nouveau, désolés si nous écorchons les noms), on découvre une méthodologie similaire à celle de Lou avec une auto-évaluation multi-indicateurs constante. On comprend bien ce fonctionnement d’évaluation, mais on lui demande comment la décision initiale de gestion est prise, qu’est ce qui fait qu’on va faire telle ou telle action et pas telle ou telle autre.

Il nous donne un petit exemple pertinent : en vallée d’Eyne, parmi toutes les espèces présentes se trouvent de nombreux pollinisateurs. La réserve de la vallée d’Eyne a historiquement été créée dans le but de protéger une fleur qui pousse dans des éboulis (comme quoi il y en a pour tous les goûts). Avec le changement climatique, les conditions dans lesquels différentes espèces d’arbres poussent évoluent : il fait plus chaud à certaines altitudes qu’avant et donc les espèces peuvent s’y développer. La forêt grandit et les habitants ont de moins en moins besoin de couper des arbres (chauffage électrique, constructions en béton etc). Donc, la forêt se propage et les pollinisateurs ne peuvent plus circuler entre la vallée et la plus haute montagne, où poussent les fleurs des éboulis. Comme la survie de ces fleurs a motivé la création de la réserve, la décision d’instaurer des corridors pour que les pollinisateurs puissent passer à travers la forêt est prise.

En gros, les décisions sont prises au cas par cas, en évaluant l’historique de la zone, les enjeux pour le milieu et la faisabilité du projet.

On dort à Eyne et on se réveille maxi tôt pour passer des crêtes avant l’orage pour aller dormir près du Canigou et le gravir le lendemain. Pas d’orage aujourd’hui mais en fait il y en a un demain quand on doit monter le Canigou. Flo appelle le refuge qui lui dit que la météo c’est n’importe quoi et qu’il n’y aura pas d’orage, Zoé comme à son habitude, préfère se fier à son instinct plutôt qu’à celui d’un gardien expérimenté et refuse tout de même de se mettre sur la route pour le Canigou. Le binôme dort à une station de ski sous un abri où acheter des forfaits c’est glauque.

On coupe de nouveau en passant par la route, 40km au programme aujourd’hui en passant par de nombreux petits villages, c’est la journée patrimoine. C’est le début d’un enchaînement d’étapes beaucoup trop longues par rapport à l’état de nos jambes puisque la journée d’après finit également par être à 40km à cause d’un chemin fermé. Heureusement on a presque presque fini plus qu’un jour de marche et on est arrivés. Le soir, Flo demande à Zoé si elle sera émue en voyant la mer pfff bien sûr que non c’est juste de l’eau.

Morts mais arrivés, nous terminons cette belle étape.  

Dernière journée, on ne part pas aussi tôt que prévu donc on a extrêmement chaud, on nous prévient que les sources sont taries et qu’il faut prendre beaucoup d’eau. On n’a pas de bouteilles et pas de monnaie pour en acheter donc 3 litres suffiront. 3 litres ne suffisent pas mais les sources ne sont pas taries encore une fois on se gave. Bien en peine, on se traîne jusqu’à Banyuls où Zoé pleure en voyant la mer et on se baigne c’est tellement tellement extraordinaire de ne plus avoir les pieds posés sur le sol. On mange deux fois au resto en une soirée oui oui il faut célébrer ça c’est la fin.

Hâte des Alpes enfin pas trop non plus.